Juin

Tennant Creek - 4 Juin 2010:

Un nouveau mois a commencé et donc une nouvelle page pour ce site. Afin d’en rendre la lecture plus agréable et le graphisme un peu moins style “Allemagne de l’est”, je vais dorénavant ajouter les photos directement dans le texte.

Pour commencer avec cette bonne résolution, voila un comparatif de l’évolution du paysage au cours des 700 kms séparant Katherine (photo du haut) de Tennant Creek (photo du bas).

 

Paysage aux abords de Katherine

 

Paysage aux abords de Tennant Creek

Vous pouvez remarquer que la végétation est beaucoup moins dense et les arbres plus petits. Les kangourous, oiseaux multicolores, crapauds, serpents,… qui étaient si nombreux jusqu’alors ont laissé leurs places aux termitières s’étendant à perte de vue entre les buissons et aux rapaces rodant dans le ciel. Le climat a aussi beaucoup changé; l’air très humide et chaud a été remplacé par un air beaucoup plus sec avec des nuits froides (aux alentours de 10 degrés) et des journées qui attendent patiemment l’arrivée du soleil pour daigner se réchauffer un tant soit peu. A cela s’ajoute un vent de sud-est de 8 m/s apparu il y a 7 jours et qui a rendu ces 700 kms encore plus longs.

En effet, je me rappelle d’un français rencontré à Darwin qui m’avait dit : « Ici, tu oublies tout ce que tu sais sur les distances ! ». Et je dois dire que je comprends maintenant beaucoup mieux ses mots. Les lignes droites d’une dizaine de kilomètres s’enchainent les unes après les autres et sont bordées par le bush qui s’étend à l’horizon. Les stations services sont séparées par une centaine de kilomètres et il faut en compter 7 fois plus pour pouvoir relier 2 supermarchés. Dans un tel environnement, on apprend ce que le mot «patience » signifie et, lorsque le soir je plante ma tente entre 2 termitières à une cinquantaine de mètres de la highway, j’ai vraiment le sentiment d’être le seul homme sur terre. Mais je dois avouer que je trouve ces conditions assez plaisantes car, d’une part, je sais qu’elles ne dureront pas plus de 4 à 5 semaines, et d’autre part, cela permet d’expérimenter une vie totalement différente, loin de son confort et de ses préoccupations habituels.

Camping dans le bush

Mais même dans un univers si différent, les habitudes s’instaurent vite et se perfectionnent au fil des jours. Voila donc mon emploi du temps :

6h-8h : Réveil, petit déjeuner, rangement du campement.

8h-11h30 : Vélo

11h30-13h30 : Déjeuner

13h30-16h30 : Vélo

16h30-20h : Installation du campement, lecture, diner, coucher

Les journées sont donc bien remplies du lever (6h30) au coucher (18h30) du soleil.

A part le bush, il n’y avait pas grand-chose à voir durant ces 700 kms. J’ai quand même fait un tour au très convivial au pub de Daly Water. Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous, la décoration a un style très particulier avec des soutiens-gorge, des casseroles, des blasons,… accrochés au plafond. 

Pub de Daly Water 

 

 Cela a été pour moi l’occasion de gouter au barramundi, un poisson qui est la spécialité locale. L’autre « temps fort » de cette semaine passée a été la découverte des sources chaudes de Mataranka. Une eau à 34 degrés dans laquelle le courant nous emporte sur 200m au milieu de la forêt tropicale et des tortues.

Il faut aussi noter que j’ai rencontré pas moins de 12 cyclotouristes durant cette semaine. Il faut dire qu’il n’y a qu’une seule route reliant Katherine à Tennant Creek. Cela facilite nettement les rencontres. J’ai notamment revu sur Tennant Creek le très sympathique couple de norvégien dont je vous ai parlé la dernière fois. J’ai également retrouvé André, un danois, avec qui j’ai fait un peu de route juste après Katherine mais qui allait trop vite pour moi. Ils sont tous 3 repartis soit hier midi (pour les norvégiens), soit ce matin (pour André) ce qui me laisse une chance de les revoir à Mount Isa. Cette ville située à 680 kms de Tennant Creek est en effet ma prochaine destination. Je vais donc virer de cap et m’orienter plein est. Autant vous dire que la route sera toujours aussi déserte et qu’elle sera très longue, notamment à cause de ce vent de sud-est qui devrait s’intensifier dés demain (espérons que la météo australienne fasse des prévisions aussi exactes que la météo française). Les prochaines nouvelles devraient donc arriver dans 8 à 10 jours et être assez moroses car il y a peu de chances pour que je puisse regarder le premier match de la France dans la coupe du monde. Sauf si j’arrive à rallier, le 11 juin, le seul pub situé sur ma route. Il est à environ 500 kms d’ici.

 

 

Mount Isa - 12 juin 2010:

Me voila à Mount Isa où les nouvelles ne sont pas du tout moroses car j'ai pu regarder le match Uruguay-France. Enfin il faut dire que ce résultat a été atteint après beaucoup de souffrances et de difficultés.

Beaucoup de souffrances d'abord pour parcourir en 7 jours les 665 kms qui me séparaient de Mount Isa, et cela avec le vent pile de face (je parle de cyclisme, pas du jeu de hasard avec une pièce de monnaie). Je suis en train de chercher un qualificatif pour décrire ce maudit vent mais j'ai du mal a en trouver. En effet, il n'y avait pas plus désespérant que de croiser à la mi-journée des cyclistes qui avaient parcouru deux fois plus de distance que moi et qui paraissaient frais comme des gardons alors que j'étais couché sur mon vélo avec la langue pendante jusque dans les rayons. En temps normal j'aurais levé le pied mais je savais qu'il fallait que je fasse absolument mes 100kms par jour pour voir le match. Je crois que la journée la plus désespérante a été mardi quand j'ai traversé ces longues plaines d'herbes brulées par le soleil et destinées à l'élevage. Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous, le décor était vraiment magnifique mais je ne pouvais m'empêcher de maudire cette absence d'arbres et de relief qui auraient pu casser ce vent.

Plaines pour l'elevage

Et puis j'avais peu d'espoir qu'il s'arrête un jour étant donné que je croisais régulièrement des pancartes sur le bord de la route indiquant "Attention: le vent de face augmente la consommation de fuel". J'aurais voulu ajouter sur la pancarte qu'il augmentait aussi fortement la consommation de mes nouilles instantanées qui fondaient comme neige au soleil quand j'allumais mon réchaud pour le diner. Et puis je ne vous ai pas encore parlé de ces pancartes vertes qui, tous les 10kms, indiquent la distance restante jusqu'a la prochaine ville (ou jusqu'au prochain territoire dans le cas de la photo ci-dessous). Quand j'étais sur le petit plateau et que je voyais qu'il me fallait 55 minutes pour parcourir ces 10kms, c'était assez démoralisant.

Pancarte kilometrique

Et puis, il n'y à rien a visiter sur cette route et j'ai vraiment commencé à trouver le temps long quand j'ai croisé cette pancarte qui interdit la pratique de mes deux passes temps favoris.

Prohibitions

Le seul fait marquant a été l'entrée dans le territoire du Queensland. J'en ai donc fini avec le territoire du Nord. Ce passage de "frontière" a d'ailleurs été marqué par un décalage horaire de 30 minutes. Ainsi, j'ai maintenant 8h d'avance sur vous dans la journée. Cela veut dire que, quand vous arrivez au travail a 9h, je suis de mon coté en train de planter ma tente et à regarder le coucher de soleil. J'en connais qui vont rager en lisant cela lundi matin.

Enfin, malgré tout cela, j'ai réussi à rejoindre Mount Isa en 7 jours. A mon arrivée dans la ville, j'ai eu la chance de croiser André, mon ami danois. Lors du diner, il a eu l'occasion de m'expliquer qu'il a du faire les 200 derniers kilomètres en voiture car son réchaud a cassé. Et comme vous aurez pu le comprendre avec ce que je vous ai raconté plus tôt, il est impossible de faire du vélo ici sans avoir sa ration quotidienne de pates. En tout cas, cela m'a fait très plaisir de le revoir. En effet, c'est bon de voir la même personne plusieurs jours. Cela permet des conversations plus variées que celles que l'on a 2 ou 3 fois par jour avec les automobilistes et qui reviennent toujours à répondre aux mêmes questions. Pour les curieux, voila une photo d'André.

Andre et moi

J'en viens maintenant à l'essentiel. Ce matin nous nous sommes donc tous les 2 mis en quête de trouver un pub où regarder le match. Et c'est là que les vraies difficultés ont commencé. En effet, nous avions compris qu'il était impossible de regarder le direct à 4h30 du matin car aucun pub n'a de licence pour ouvrir si tard (ou si tôt) et nous avions prévu de regarder la rediffusion à 10h. Mais nous n'avions pas prévu qu'il faudrait visiter 4 pubs différents avant d'en trouver un qui possède la chaine sur laquelle le match était diffusé. Du coup nous avons loupé la première mi-temps mais cela s'est bien fini puisque nous avons pu assister à la deuxième mi-temps avec une bière à la main. Dommage que la France n'ait pas gagné.

 

 Normanton - 18 juin 2010:

Bon, je suis désolé pour les fans de foot mais je n'ai pas pu regarder le match France-Mexique. La rencontre surprise que j'aie faite 50 kms après Mount Isa m'en a malheureusement privée. En effet, alors que j‘étais en train de manger sur le bord de la route, j'ai vu passer le couple de norvégiens que j'avais perdu de vue depuis Tennant Creek. Bien qu'ils soient partis 1 jour et demi avant moi de Tennant Creek, ils m'ont dit que ce vent de face sur 700 kms les avait épuisés et ils ont pris 3 jours de repos à Mount Isa. Nous avons donc profité de cette rencontre fortuite pour faire ensemble les 70 kms restants avant d'atteindre Cloncurry. Cette route nous a vraiment ravis grâce a ses nombreuses collines qui permettaient de couper le vent et qui rendaient le paysage totalement différent des longues lignes droites qu'on avait connu jusqu'alors.

Elena et Jartar, le couple norvegien


Arrivés à Cloncurry, nous avons retrouvés André qui était parti quelques heures avant moi de Mount Isa. Nous avons donc passé la soirée ensemble à discuter. Chose assez incroyable, les norvégiens et les danois se comprennent quand ils parlent et d'après ce qu'ils m'ont dit, il y a juste une différence d'intonation entre ces deux langages. Bref, après cette découverte pour moi, nous avons regardé le Danemark se faire battre 2-0 par la Hollande ce qui a fortement attristé André qui est un grand fan de foot.


Le lendemain, il a fallu se séparer en sachant cette fois que l'on ne se reverrait plus sur les routes australiennes. En effet, tous les 3 ont continué leur route vers le sud-est en direction de Rockhampton alors que j'ai mis le cap vers Normanton, ville située à 400 kms au nord de Cloncurry. La route pour y accéder est vraiment très typique de l'Outback et je me croyais au milieu de nulle part quand la partie goudronnée se réduisait sur une seule voie durant plusieurs dizaines de kilomètres, obligeant ainsi les véhicules à se croiser dans un nuage de poussière, tout cela bordé par ces « champs » de termitières qui me faisaient vraiment penser aux cimetières de guerre américains. La route était d'autant plus agréable que j'ai eu le vent dans le dos les 2 premiers jours et que je sentais l'air se réchauffer au fur et à mesure que je progressais vers le nord.

Route a voie unique

Champs de termitiere


Je suis maintenant à Normanton où j'ai pris un après-midi de repos. Je remets le cap vers l'est dés demain matin en direction de Georgestown ou j'espère pouvoir y regarder le match France-Afrique du sud dans 4 jours. Enfin je ne veux pas être pessimiste mais je viens juste de regarder les résultats et les espoirs de qualification semblent minces.

 

Cairns - 28 juin 2010:

De même qu'il n'y a pas eu de miracle pour l'équipe de France, il n'y a pas eu de miracle pour moi non plus. Dés que j'ai repris la route vers l'est, le vent de face a de nouveau décidé de me rendre la tache difficile. J'ai ainsi passé les 400 premiers kilomètres suivant Normanton à l'insulter de tous les noms français et anglais. Puis les collines sont apparues et ce fut le grand changement. Les lignes droites absolument plates et s'étendant à l'infini ont laissé place aux virages sinueux enlaçant les collines. Les quelques buissons sur le bord de la route ont été remplacé par de gigantesques arbres tropicaux. Le ciel constamment bleu s'est couvert d'un épais brouillard laissant échapper une pluie fine. Le passage de la "Great dividing range", cette chaine montagneuse longeant la cote Est est souvent prise comme référence pour séparer l'authentique bush de la touristique cote Est, a donc révélé un tout autre visage de l'Australie. Il m'a fallu endurer 3 jours à appuyer forts sur les pédales en étant trempé jusqu'aux os et avec des températures pas très élevées. Un peu plus et je me serais cru en Ecosse. Mais au moins cela a calmé en grande partie le vent.

Collines

Foret tropicale

Après une descente qui a paru interminable pour mes doigts et mes freins, j'ai rejoint Cairns (après plus de 3 200kms depuis mon départ de Darwin). J'avoue qu'après plus de 1 mois et demi passés dans le désert, cela m'effraie un peu d'être dans une grande ville avec tous ces gens, toutes ces voitures, tous ces magasins et restaurants. Il va falloir que je me réhabitue petit à petit à la civilisation, si toutefois j'y ai été habitué un jour. J'ai rasé ma barbe de 10 jours et lavé mes jambes d'africains comme je les appelle vu leur couleur noirâtre, ce qui est déjà un bon début.

Je suis maintenant en train de me demander ce que je dois faire. Si je continue à aller à ce rythme vers le sud, je vais très vite me retrouver en plein hiver, ce que j'aimerais éviter. Je pense donc que la meilleure solution est de m'arrêter 2 ou 3 mois pour travailler. Je vais probablement rester quelques jours sur Cairns pour essayer de trouver de quoi m'occuper. Et si ça ne marche pas, je reprendrai la route vers le sud en direction d'Ayr ou de Bowen ou j'aurais de fortes chances de trouver du travail dans le ramassage de fruits.

PS: j'ai aussi ajouté les photos du texte du 18 juin

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